La Corse, ce n’est pas que la plage et le soleil, mais bien aussi et avant tout la montagne. Elle se distingue des autres îles de Méditerranée par la hauteur et la taille de ses massifs. Le Monte Cinto (Monte Cintu en corse) culmine à 2706m. Notre île est avant tout une montagne dans la mer. Beaucoup de navires qui font la liaison Corse-continent sont d’ailleurs baptisés du nom d’un pic montagneux: la Paglia Orba (2525m), le Monte d’Oro (2389m), le Monte Cinto.
L’âme corse est en montagne
Les montagnes abritent l’âme de l’île. Etant donné la fréquence et la violence des invasions subies par la Corse au cours des siècles, les habitants avaient l’habitude de se replier dans les endroits les moins accessibles pour se protéger des envahisseurs potentiels. C’est pourquoi les villages et bourgs historiques, aujourd’hui malheureusement désertés, sont souvent si haut perchés. La capitale historique est Corte, dont la citadelle est perchée sur un promontoire en plein coeur des montagnes.
La Corse présente en réalité deux visages: la Corse des plages et du littoral ensoleillé, que la plupart des touristes connaissent et recherchent, où la plupart des habitants sont aujourd’hui établis; et la Corse de l’intérieur, montagnarde, historique et encore authentique, où le climat est plus rude. On n’a pas vu la Corse si l’on a pas vu ses montagnes et ses villages.
Et pour toucher du doigt le coeur de la Corse, quoi de mieux que de gravir ses montagnes? La Corse regorge de randonnées magnifiques. Le GR20 est le plus parcours le plus célèbre, c’est un sentier de grande randonnée mythique. Mythique tout d’abord par ses paysages merveilleux, ses vues à couper le souffle, sa faune et sa flore endémiques de l’île. Il relie Calenzana, au nord-ouest de l’île, à Conca, au sud-est. Long d’environ 180km, il compte plusieurs étapes difficiles avec des dénivelés de 1300m. Normalement, il faut compter 16 jours pour le parcourir en entier, à raison d’une étape par jour. A moins de s’appeler Kilian Jornet, qui l’a parcouru (surtout couru) en 32h54min, ou Guillaume Peretti, qui l’a battu de quasiment une heure, ou encore François d’Haene, qui les coiffés au poteau en 31h06min. Pour les êtres humains normaux, il est recommandé de prévoir un peu plus de temps. Mais l’effort en vaut la peine.
On peut avoir la chance de croiser les mouflons corses, endémiques à l’île. Le mouflon se dit a muvra en corse. (Oui, i muvrini ne sont pas que des chanteurs célèbres, ce sont aussi les petits mouflons.) Les cerfs, renards et sangliers sont également bien présents sur le parcours. Du côté des volatiles, outre les buses, milans et aigles royaux, vous verrez peut être voler un gypaète barbu, un grand rapace protégé car en danger d’extinction. La faune corse est tellement variée qu’il est impossible d’être exhaustif. J’ai un faible pour les chocards (a taccula), reconnaissables à leur bec jaune et leur comportement peu farouche (ils s’invitent souvent à déjeuner et posent volontiers pour une photo).
Le tracé du GR20 permet de franchir la ligne de démarcation entre les deux visages de l’île: la Corse méditerranéenne, avec ses pins parasols, oliviers et châtaigniers, et la Corse montagnarde, couverte de sapins, de pins Laricio, espèce endémique qu’on utilisait pour faire des mâts de bateaux, et de fougères. D’ailleurs, la fougère se dit a filetta, et c’est ainsi que s’est baptisé un autre célèbre groupe de chant polyphonique.
Le GR 20 est mythique non seulement par sa beauté, mais aussi par sa difficulté. Il est fortement déconseillé aux novices de s’y aventurer. On dit que la meilleure période pour faire le GR est le mois de juin. En juillet août, il peut faire très chaud. En août et septembre, les orages sont plus fréquents. Mais quel que soit le mois choisi, il faut avoir de l’expérience, être en bonne forme physique et bien préparer son parcours. Le plus sage est encore de suivre un guide expérimenté. Selon certains randonneurs, le GR est même le sentier le plus difficile d’Europe. La partie nord est particulièrement rocailleuse et il n’est pas question de s’y aventurer sans chaussures adaptées. Je me sens obligée d’insister sur ce point, parce que tous les ans, des randonneurs commettent l’erreur de sous-estimer la montagne méditerranéenne et de s’imaginer qu’ils peuvent tenter la montée en maillot de bain et petites baskets de ville, voire même en chaussures de plage (si, si, cela arrive. N’essayez pas de reproduire ceci chez vous.) C’est une erreur qui peut vite tourner au drame. Et même sans commettre d’imprudence particulière, on peut vite se faire surprendre par la montagne. Un orage de grêle peut vous tomber dessus en plein été, et les choses se corsent très vite, si j’ose dire. Il faut donc observer la plus grande prudence, comme partout ailleurs en montagne: ne jamais partir seul, emporter des vivres et de quoi se couvrir, avoir du bon matériel, vérifier religieusement la météo, même pour une randonnée d’une seule journée, et surtout, écouter les avis des professionnels.
Maintenant que la parenthèse sécurité est fermée, vous pouvez admirer la vue.
A noter qu’il existe aussi des randonnées organisées à dos d’âne sur certains sentiers. Ils ont certainement le pied plus sûr que le nôtre 🙂
Le GR est assez fréquenté, mais la Corse regorge d’autres randonnées tout aussi belles. Et si vous n’êtes pas du genre à crapahuter pendant des heures, vous pouvez toujours admirer les sommets depuis la rivière ou la plage. En Corse, il y en a pour tous les goûts.
Soyez prudents, et bonnes randonnées!
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